Destruction créatrice
« […] L'esprit humain se développait […] par création & renforcement chimique progressif des circuits neuronaux de longueur variable - pouvant aller de deux à cinquante neurones voir plus. Un cerveaux humain comportant plusieurs milliards de neurones, le nombres de combinaisons, et donc de circuits possibles était inouï - il dépassait largement, par exemple, le nombre de molécules de l'univers.
Le nombre de circuit utilisé était variable d'un individu à l'autre, ce qui suffisait [peut être] à expliquer les innombrables gradation entre l'imbécillité & le génie.
Mais chose encore plus remarquable, un circuit neuronal fréquemment emprunté devenait, par suite d'accumulations ioniques, de plus en plus facile à emprunter - il y avait en somme auto renforcement progressif, et cela valait pour tout, les idées, les addictions, les humeurs. Le phénomène se vérifiait pour les réactions psychologiques individuelles comme pour les relations sociales: conscientiser ses blocages les renforçait;[…] une attaque impitoyable de la théorie freudienne, […]
De la même manière, chaque fois que nous ressassons notre passé, que nous revenons sur un épisode douloureux - et c'est a peu près à cela que se résume la psychanalyse - nous augmentons les chances de le reproduire. Au lieu d'avancer, nous nous enterrons. Quand nous traversons un chagrin, une déception, quelque chose qui nous empêche de vivre nous devons commencer par déménager, brûler les photos, éviter d'en parler à quiconque. Les souvenirs refoulés s'effacent; cela peut prendre du temps, mais il s'effacent bel et bien. Le circuit se désactive.[…] »
Michel HOUELLEBECQ, la possibilité d'une île.
regardes les papillions noirs, ils s'évanouissent dans les dédales de l'existence. la vie, cette jungle.
Le prophète
« Puis Almitra parla, disant : Nous voudrions vous interroger au sujet de la Mort.
Et il répondit :
Vous voudriez connaître les secrets de la mort.
Mais comment le trouverez-vous sinon en cherchant au cœur même de la vie ?
Le hibou dont les yeux perçant la nuit sont aveugles le jour, ne peut révéler le mystère de la lumière.
Et si vous voulez vraiment apercevoir l'esprit de la mort, ouvrez grand votre cœur dans le corps de la vie.
Car la vie et la mort sont une, de même que le fleuve et l'océan sont un.
Dans les profondeurs de vos espoirs et de vos désirs, réside votre silencieuse connaissance de l'au-delà ;
Et comme des graines rêvant sous la neige, votre cœur rêve du printemps.
Ayez confiance dans les rêves, car en eux est cachée la porte de l'éternité.
Votre peur de la mort n'est autre que le frémissement du berger, alors qu'il se tient devant le roi dont la main va se poser sur lui pour l'honorer.
Le berger n'est-il pas ravi, malgré son tremblement, de porter la marque du roi ?
Pourtant, n'est-il pas plus conscient encore de son tremblement ?
Car qu'est-ce que mourir, si ce n'est être debout, nu, face au vent et fondre dans le soleil ? Et qu'est-ce que cesser de respirer sinon libérer le souffle de ses marées tempétueuses, afin qu'il s'élève et se dilate et recherche Dieu sans entraves ?
C'est seulement quand vous aurez bu à la rivière du silence que vous chanterez vraiment.
Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez votre ascension.
Et quand la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment. »
Khalil Gibran